Amis de la déco Bonjour ! La prochaine édition de Maison&Objet aura lieu du 22 au 26 janvier 2016 à Paris Nord Villepinte. La thématique du salon cette année : WILD ! Explications par Marie-Jo Malait, Rédactrice en chef du Cahier d’Inspirations : "Chassez le naturel, il revient au galop… Entre menace de la disparition et espérance d’une renaissance, la nature reprend le dessus et s’exprime dans tous ses états premiers, du sauvage au sacré. Confronté à un monde formaté par la technologie, l’urbanisation et la domestication à outrance, l’imaginaire s’ensauvage hors des sentiers battus et trouve refuge dans l’innocence d’un paysage primordial, préservé, comme intact. La création contemporaine convoque l’esprit sauvage. On retourne à la forêt pour se réinitialiser. Les formes et les matières se reconnectent avec les éléments pour retrouver l’harmonie avec la Terre-Mère. La poétique du sauvage glane l’élémentaire, le brut, le difforme, le corrodé, le brûlé, le scarifié. On réinjecte de la nature dans l’espace urbain en quête de nouveaux terrains vagues. Comme des chamans, les créateurs invoquent la magie des esprits et des forces surnaturelles. ReWild Yourself."
Quatre questions à François Bernard, scénographe de l’Espace d’Inspirations MAISON&OBJET PARIS de janvier 2016.
François Bernard : "Lors de notre première réunion avec les membres de l’Observatoire MAISON&OBJET, j’ai partagé mon sentiment d’un courant opposant fraternellement le soft et le raw, le sophistiqué et le brut. Le thème « sauvage » est apparu au fil de nos échanges comme une synthèse. Dans le terme sauvage, qui vient du latin sylvia (forêt), il y a la fascination et la peur de l’inconnu, la limite de notre humanité. Il évoque la sophistication du naturel et l’énergie de l’indompté, qui exercent une puissante force d’attraction sur nos imaginaires. Le sauvage, c’est l’altérité absolue. Il nous sort de notre zone de confort pour nous questionner sur notre place dans le vivant. Face aux horizons indéfinis de l’anthropocène, nous sommes portés par la nostalgie d’un lien rompu avec la nature. Les arts plastiques, la gastronomie, l’art de vivre, la cosmétique et bien entendu les arts décoratifs recherchent le sauvage et s’en inspirent.
J’ai imaginé une approche stylistique en trois/cinq temps. L’Espace ouvre sur l’idée originelle du sauvage, avec l’évocation de la forêt profonde. Il se poursuit avec l’idée d’un ensauvagement de la ville dans ses interstices, mais aussi dans l’architecture des paysages domestiques et commerciaux. Enfin, le dernier volet de l’exposition aborde une dimension plus spirituelle du thème autour du sacré et du rituel.
On parle de formes au caractère indistinct ou brut et de couleurs qui tournent autour des gammes du jaune, du vert, du bleu verdi, du kaki, du brun terreux, de la rouille, de l’anthracite et du brûlé. Les textures sont importantes notamment lorsqu’elles traduisent le tremblement du temps. Les effets « méchés » sont aussi recherchés, avec par exemple le retour des tapisseries murales. Les longs poils de coton ou de laine remplacent la fourrure.
Je pense spontanément au banc Olmo de Il Labotorio dell’Imperfetto, qui ressemble à un tronc calciné tout droit sorti d’une forêt primordiale, ou aux formes minérales de la collection Species, éditée par Fredrikson Stallard. Dans ces deux exemples, des matériaux comme la fibre de verre sont travaillés pour reproduire des formes primitives. Les céramiques de la collection Adaptive Manufacturing d’Olivier Van Herpt sont aussi intéressantes. Réalisées en impression 3D, elles traduisent dans une technique de pointe les influences aléatoires de l’environnement. Ce goût de l’indéfini est parfaitement à l’œuvre dans les tapis imaginés par Helmut Lang pour Henzel Studio. Il y a aussi les planches d’herbiers développées par le Studio Marteen Kolk et Guus Kusters pour Thomas Eyck, qui illustrent une forme de néo-naturalisme. Et je trouve très inspirante la série de photographies du Suisse Charles Fréger, dans laquelle il montre des personnages en costumes issus du folklore chamanique européen. Il y a une poétique de la pensée magique et du symbolique que l’on retrouve par exemple dans la table Big Foot d’e15, où sous le plateau de bois massif sont gravés des dessins quasi hiéroglyphiques.
En 2002, MAISON&OBJET crée un Observatoire de la Maison qui répertorie les nouvelles tendances de consommation et les styles de vie émergents. Lors de leurs réunions de travail, les membres de l'Observatoire confrontent leurs étonnements, leurs émotions et leurs intuitions sur les modes de vie émergents. Cette réflexion collégiale permet de définir une thématique
comme fil conducteur de la saison : Emotions, Envies, Secret, Luxes, Use, Intensité, etc., qui font référence à des tendances de fond et non à des effets de mode. Ce thème de saison est décliné selon trois modes : le film d’Inspirations, le parcours d'Inspirations et le Cahier d'Inspirations.
Décrypter l'offre du salon en soulignant les courants porteurs. Repérer les micro-signes annonciateurs des changements d'influences. Définir des orientations de styles pour les deux sessions annuelles. Respirer l’air du temps. Explorer et recueillir les indices qui annoncent le futur. Détecter et analyser les nouvelles attitudes. Epier nos petites manies. Disséquer nos envies. C'est le quotidien des membres de l'Observatoire de MAISON&OBJET, qui leur permet de proposer un véritable outil de réflexion.
Crédit photo de couverture : Pauline Fashion Blog